Archives de catégorie : Mathématiques

Les articles de cette section ne sont pas des cours. Ils proposent cependant des preuves que j’ai trouvées élégantes de problèmes théoriques susceptibles de figurer dans un cours.

Mes sélections du moment

Comme je ne voulais pas créer un article pour chacun, je vous transmets quelques liens, classés par thèmes, que je recommande chaudement.

Une magnifique présentation de la mécanique quantique par Julien Bobroff :

Restons quantique, mais pas seulement, avec monsieur Alain Connes. Beaucoup moins accessible, mais parfaitement délicieux pour qui a déjà un bon bagage en maths :

Alexandre Astier, « quanticomique » :

En plus terre à terre, plus technophile, mais très clair et très sympathique, Adrien D et son site https://www.linuxtricks.fr et sa chaîne https://www.youtube.com/channel/UCDKPGD9T00eS_l–D_DRTUQ

Côté maths, ça ne changera pas, la référence (surtout pour son forum incroyable) : http://www.les-mathematiques.net/phorum/ Bon, certes, c’est un poil austère, mais alors, quel contenu !

Il y a aussi ce jeune homme qui produit des vidéos que je trouve très intéressantes sans pour autant choisir des thématiques mathématiques faciles. https://www.youtube.com/channel/UC0NCbj8CxzeCGIF6sODJ-7A

Et pour finir en musique, l’incontournable David Louapre sur sa chaîne Science Étonnante:

Le conte de Fibonacci démystifié

Si vous avez suivi le conte https://www.libremaths.fr/2020/05/04/un-reste-loin-dans-la-suite-de-fibonacci/, que vous vous êtes dit « heureusement qu’on a des ordinateurs » et que vous aimez croire qu’ils nous sont indispensables, ne lisez surtout pas la suite !

Hé oui, vous vous en doutiez peut-être, la force de la pensée humaine suffisait. Inutile d’aller chercher l’arsenal technologique pour répondre à cette fameuse question : quel est le reste par 25 du terme d’indice 10^{18} de la suite de Fibonacci ? Question dont, je le rappelle, la réponse est parfaitement inutile, et donc parfaitement indispensable à tout esthète qui se respecte 🙂

Une façon élégante (à mon goût), de voir le problème est de choisir de travailler dans un anneau bien adapté au problème. Allons-y et commençons par considérer A=\mathbb{Z}/25\mathbb{Z}, \chi=X^2-X-1\in A[X] et B=\frac{A}{(\chi)}. On note enfin \pi l’épimorphisme canonique de A sur son quotient B. Les éléments de A seront notés \overline{x} pour x\in \mathbb{Z}.

Alors B est un A module libre de base (\pi(1),\pi(X)). Par récurrence, on en déduit immédiatement que:

    \[\pi\left(X^n\right)=\overline{F_n}\pi(X)+\overline{F_{n-1}}\]

De plus,, en utilisant l’égalité \pi\left(X^{2}\right)=\pi\left(X+1\right) et le fait que \pi est un morphisme d’anneaux, on obtient :

    \[\pi\left(X^{25}\right)=\left(\overline{5}\pi\left(X\right)+\overline{3}\right)^{5}=\sum_{k=0}^{5}\overline{\binom{5}{k}}\overline{5}^{k}\pi\left(X\right)^{k}\overline{3}^{5-k}\]

Or, pour k\in\left\{ 1;\dots;5\right\}, on a \overline{5}^{k}\overline{\binom{5}{k}}=\overline{0} et donc

    \[\pi\left(X^{25}\right)=\overline{3}^{5}=\overline{3}^{3}\times\overline{3}^{2}=\overline{2}\times\overline{9}=\overline{18}\]

donc

    \[\pi\left(X^{25m}\right)=\overline{18}^{m}\]

conjointement au fait que \pi\left(X^{n}\right)=\overline{F_{n}}\pi\left(X\right)+\overline{F_{n-1}} (pour n\geqslant1) et que B est un module libre de base \left(\pi\left(1\right);\pi\left(X\right)\right) on en déduit que F_{25m} est nul modulo 25 pour tout naturel m. Comme 10^{18} est un multiple de 25, on a bien montré que F_{10^{18}} est divisible par 25.

On peut même aller plus loin (attention, on se rapproche de l’infini et l’au delà) : comme \pi\left(X^{25m}\right)=\overline{18}^{m}, et que \overline{18^4}=\overline{-7}^4=\overline{-1}^2=\overline{1}, on en déduit que

    \[\pi\left(X^{100k}\right)=\overline{1}= \overline{F_{100k}}\pi\left(X\right)+\overline{F_{100k-1}}\]

et donc, en résumé : \overline{F_{100k-1}}=\overline{1} et \overline{F_{100k}}=\overline{0} ce qui permet de retrouver la suite de Fibonacci périodiquement, modulo 25, tous les 100 termes !

Et voilà la démystification 🙂

Un reste, loin dans la suite de Fibonacci

Épisode 1 : ça parle de quoi cet article ?

Le plus simple est que je vous le raconte en vidéo 😉

Petite remarque: dans cette vidéo je donne un ordre de grandeur du nombre de chiffres de F_N. Mais en fait en notant r=\frac{\ln\phi}{\ln10}, en majorant \ln(1+x) par x (pour x>0), on obtient assez facilement

    \[nr-\frac{\ln5}{2\ln10}-2^{-n}<x<nr-\frac{\ln5}{2\ln10}+2^{-n}\]


Pour n=N=10^{18} on obtient au dixième près

    \[x\sim208987640249978733,8\]


ce qui montre que F_{N} possède exactement 208987640249978734 chiffres.

Épisode 2 : si on essayait …

…malgré tout de coder le calcul des termes dans un langage compilé ? (ou encore: si je trouvais un prétexte pour jouer avec le langage Ada ?)

Première partie :

Deuxième partie :

Troisième épisode : les maths à la rescousse !

Un peu d’algèbre linéaire et la fameuse « exponentiation rapide ». Un algorithme qui décoiffe 🙂

Quatrième épisode : encore des maths !

Mais là, on part dans le monde de l’arithmétique modulaire pour appliquer l’algorithme d’exponentiation rapide

Épilogue

On implémente tout ce qu’on a vu en Ada pour donner une réponse instantanée à notre problème

Erratum: il s’agit de monsieur Daniel Feneuille (et non David) dont je voulais parler. Au passage, ses cours sont disponibles ici : https://ada.developpez.com/cours/iut/

Je vous parlais aussi d’un papier que j’ai rédigé sur les suites récurrentes linéaires d’ordre 2 (pour un public averti) :

Matrices génériques et Théorème de Hamilton Cayley

Voilà un objet dont j’ai appris l’existence en parcourant l’excellent forum http://www.les-mathematiques.net/phorum/ . À la recherche d’une démonstration élégante du théorème de Hamilton-Cayley, je découvre un objet qui a véritablement modifié ma conception de l’algèbre.

Alors je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps et fabriquer la bébête. On se donne

    \[A=\mathbb{Z}\left[\left(x_{i,j}\rigtht)_{(i,j)\in n^2}\right]\]

n est un entier naturel non nul, l’anneau des polynômes à coefficients entiers à n^2 indéterminées. Ce que l’on appelle la « matrice générique G d’ordre n » est la matrice G\in M_n(A) de terme générique

    \[G_{i,j}=x_{i,j}\]

Voilà ! À ce stade, on se demande bien ce qu’on pourrait en faire ! Pour exciter la curiosité que peut susciter cet objet, considérons un instant le polynôme caractéristique \chi de cette matrice. C’est à dire

    \[\chi=\det (G- x I_n)\in A[x]\]

Comme A est intègre unitaire commutatif (vu que \mathbb{Z} l’est), A se plonge dans son corps des fractions \overline{A} et donc

    \[\chi\in \overline{A}[x]\]

Soit k un corps de décomposition de \chi. Alors le polynôme caractéristique de G\in M_n(k) est scindé sur k. Et c’est là que la magie opère: ses racines sont simples !

En effet, son discriminant \Delta (à savoir le résultant de \chi et de \chi') est un polynôme dans A. Si celui-ci était nul, alors en l’évaluant par exemple via x_{i,j} \to i \delta_{i,j}, c’est à dire en créant une instance de G égale à la matrice diagonale D\left((i)_{i\in n}\right), on obtiendrait le résultant de \prod_{i\in n} x-i qui serait nul. Ce qui est absurde car toutes les racines de ce dernier sont simples et qu’il est à coefficients dans un anneau factoriel.

La conclusion de tout ceci est que si maintenant f est un endomorphisme d’un espace vectoriel E de dimension finie sur un corps quelconque K, alors \chi_f annule f. En effet, si on note M la matrice de f (dans une base quelconque fixée de E) alors le morphisme d’anneaux envoyant G sur M envoie \chi sur \chi_f et comme \chi(G) est nulle il en est de même de \chi_f(M) donc de \chi_f(f).

Certes, cette preuve ne semble pas plus courte que celles qu’on trouve un peu partout. Mais elle est de loin plus riche d’enseignements et ne recourt à aucun calcul astucieux basé sur des manipulations de lignes / colonnes de matrices. Elle est surtout très féconde, comme on le verra dans d’autres articles où il sera question de résoudre des problèmes classiques d’algèbre linéaire.