Voilà un objet dont j’ai appris l’existence en parcourant l’excellent forum http://www.les-mathematiques.net/phorum/ . À la recherche d’une démonstration élégante du théorème de Hamilton-Cayley, je découvre un objet qui a véritablement modifié ma conception de l’algèbre.
Alors je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps et fabriquer la bébête. On se donne
![Rendered by QuickLaTeX.com \[A=\mathbb{Z}\left[\left(x_{i,j}\rigtht)_{(i,j)\in n^2}\right]\]](https://www.libremaths.fr/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-2c36b61b4eff48c191c300124b2388e0_l3.png)
où

est un entier naturel non nul, l’anneau des polynômes à coefficients entiers à

indéterminées. Ce que l’on appelle la « matrice générique

d’ordre

» est la matrice

de terme générique
![Rendered by QuickLaTeX.com \[G_{i,j}=x_{i,j}\]](https://www.libremaths.fr/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-7e39bb697f9065e3fa44476858f40b92_l3.png)
Voilà ! À ce stade, on se demande bien ce qu’on pourrait en faire ! Pour exciter la curiosité que peut susciter cet objet, considérons un instant le polynôme caractéristique

de cette matrice. C’est à dire
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\chi=\det (G- x I_n)\in A[x]\]](https://www.libremaths.fr/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-a61ee25b72d4bb1d42c369a41d38c521_l3.png)
Comme

est intègre unitaire commutatif (vu que

l’est),

se plonge dans son corps des fractions

et donc
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\chi\in \overline{A}[x]\]](https://www.libremaths.fr/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-7dc4367f09bd2d8f5562cf649e892e1f_l3.png)
Soit

un corps de décomposition de

. Alors le polynôme caractéristique de

est scindé sur

. Et c’est là que la magie opère: ses racines sont simples !
En effet, son discriminant
(à savoir le résultant de
et de
) est un polynôme dans
. Si celui-ci était nul, alors en l’évaluant par exemple via
, c’est à dire en créant une instance de
égale à la matrice diagonale
, on obtiendrait le résultant de
qui serait nul. Ce qui est absurde car toutes les racines de ce dernier sont simples et qu’il est à coefficients dans un anneau factoriel.
La conclusion de tout ceci est que si maintenant
est un endomorphisme d’un espace vectoriel
de dimension finie sur un corps quelconque
, alors
annule
. En effet, si on note
la matrice de
(dans une base quelconque fixée de
) alors le morphisme d’anneaux envoyant
sur
envoie
sur
et comme
est nulle il en est de même de
donc de
.
Certes, cette preuve ne semble pas plus courte que celles qu’on trouve un peu partout. Mais elle est de loin plus riche d’enseignements et ne recourt à aucun calcul astucieux basé sur des manipulations de lignes / colonnes de matrices. Elle est surtout très féconde, comme on le verra dans d’autres articles où il sera question de résoudre des problèmes classiques d’algèbre linéaire.